Evalvé, dans sa volonté de clarification de la pratique, fait le point sur la réforme de l’expertise immobilière, et donne quelques pistes qui permettrait de donner un cadre à la profession d’expert immobilier et sur les solutions qui sont en place à l’étranger, facilement transposables en France afin de diminuer le caractère aléatoire et incertain en matière d’expertise immobilière.
Bien que les idées ne manquent pas pour mettre en place une organisation nouvelle, refonte du système en place, avec les outils dont nous disposons, un certain nombre de freins existent.
Le premier de ces freins est le manque d’interventionnisme étatique. En effet, l’Etat est extrêmement frileux sur les questions de monopoles ou de don d’une activité particulière à un ensemble de professionnels. Seules les professions anciennes, comme les Notaires ou les Avocats conservent leurs « privilèges », avec leur mode de fonctionnement, et l’idée de l’introduction d’un statut particulier à un ensemble de praticien est presque inenvisageable.
Se pose également la question du financement d’une telle organisation. L’Etat, en cette période morose, ne souhaite pas se justifier de la création d’un statut particulier, surtout concernant une profession qui est encore méconnue des concitoyens. Des comptes devraient être rendus par l’Etat pour justifier la création d’un titre d’expert immobilier. Alors que l’Inspection Générale des Finances liste dans un rapport commandé par Bercy les 37 professions réglementées qui doivent faire l’objet d’assouplissement[1], d’ouverture à la concurrence, ou de diminution des tarifs réglementés ; l’intervention d’une nouvelle profession réglementée telle que l’expert immobilier serait mal perçue. Nous avons vu que cela ne coûte pas excessivement cher, et est financé directement par les membres dans les pays étrangers.
Il est également dans les habitudes françaises de repousser les nécessaires réformes. Les situations de fait sont souvent réglementées a posteriori, lorsque l’Etat ne peut plus nier que la situation est telle qu’elle nécessite la mise en place d’une réglementation. Les acteurs œuvrant dans le secteur sont donc livrés à eux-mêmes, se regroupant dans des structures différentes, consacrant un document théoriquement applicable à tous, à l’image de la Charte de l’Expertise en évaluation immobilière, ou se rattachant à des normes supranationales, comme celles dispensées par la RICS ou TEGoVA.
Pourtant, si l’Etat ne souhaite pas conférer un statut particulier à l’Expert, comme l’agrément donné à l’évaluateur Agréé Québécois, il peut tout de même encadrer la pratique. Il peut par exemple imposer une formation minimale requise pour pouvoir signer des rapports d’expertise, exiger un diplôme sans lequel il n’est pas possible de se prétendre expert, ou exprimer explicitement son accord avec telle ou telle structure, qui prendrait ainsi davantage d’importance. Beaucoup d’experts pensent à la carte « E », « Expertise », à l’image des cartes délivrées par les préfectures aux agents immobiliers, permettant la gestion de biens immobiliers ou la transaction de biens, moyennant certaines conditions.
Des avancées sont faites en matière d’évaluation immobilière, mais les efforts sont inutiles du fait de la portée restreinte de ces avancées. Ainsi, le service Patrim usagers mis en place en début d’année 2014 dans deux régions, puis généralisé à l’ensemble du territoire est un service très efficace. Il permet aux administrés d’accéder aux transactions immobilières réalisées dans le périmètre de l’un de leurs biens, aux fins de procéder à une évaluation, ou plutôt de comparer les prix de cessions desdits biens, présentant des caractéristiques similaires. Les données des cessions immobilières enregistrées au cadastre et à la conservation des hypothèques sont disponibles sur cette plate forme, très efficace. Un plan géoportail permet de situer les biens du périmètre choisi (jusqu’à 20 km de rayon). Cet outil est très performant et simple, à l’image de la base BIEN. Cependant, il est largement sous-exploité.
En effet, les recherches se font dans le cadre de 5 cas de figure : le contrôle fiscal, l’expropriation, la donation, la déclaration d’Impôt de solidarité sur la Fortune (ISF), devenue Impôt de solidarité sur la fortune Immobilière (IFI) et les successions. D’autre part, et c’est compréhensible, les recherches sont limités à 50 pour un trimestre, cette limitation ayant pour effet de limiter les abus. Les informations peuvent être utilisables par le contribuable pour contester une évaluation ou un contrôle fiscal.
Nous noterons que l’absence de numéro de la rue de l’habitation, imposée par le Conseil d’Etat, est décrite comme une imperfection par Bruno Bézart, Directeur de la DGFIP lors du lancement de la plate-forme. Cependant, les références cadastrales étant divulguées, une simple recherche permet de trouver l’adresse exacte du « comparable ». La carte géoportail localisant les transactions le permet également.
Il s’agit donc d’une avancée dans le partage des données immobilières, même si l’on peut regretter que sa pleine capacité ne soit pas utilisée, et qu’aucune reconnaissance ne lui soit accordée. Les services précisent que « La responsabilité de la DGFiP est limitée à la communication des informations brutes afin d’aider l’utilisateur à réaliser des estimations de biens immobiliers. Elle ne peut pas être engagée sur l’utilisation qui en est faite. En particulier, les estimations réalisées par l’utilisateur à partir de ces informations, directement ou par croisement avec d’autres informations n’engagent que la responsabilité de l’utilisateur. En effet, l’estimation de biens immobiliers relève d’une véritable expertise : l’utilisateur doit analyser chaque terme de comparaison restitué en fonction d’une part des critères qu’il a lui-même choisis, et d’autre part de l’adéquation de ces termes au bien à évaluer, avant de les retenir pour estimer le bien. ».
Cette mise en garde est contradictoire, puisque l’outil développé est efficient, mais il est précisé qu’il sert seulement d’information. On se demande alors pourquoi donner accès à ces informations au grand public, alors même qu’il ne dispose pas de la compétence pour effectuer l’évaluation de son propre bien immobilier. Il serait plus logique de permettre l’accès à cette base de données aux professionnels, ou seulement aux experts immobiliers. Eux ont les compétences pour pouvoir réaliser l’expertise d’un bien immobilier.
Nous remarquons également que ce service est dédié aux biens immobiliers résidentiels. Cela exclut l’immobilier professionnel. L’inclusion des biens immobiliers professionnels pourrait être intéressante, et est simple à mettre en place, puisque Patrim a réussi à mettre en place ce système pour vingt millions de références résidentielles. Il serait cependant nécessaire de préciser un nombre important d’informations, puisque les évaluations de biens en immobilier d’entreprise sont plus délicates (surfaces de chaque typologie, spécificités des locataires, revenus dégagés…).
On le voit, les progrès sont minimes, et des solutions existent pour amorcer la nécessaire réforme de la profession d’expert immobilier en France.
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Evalvé tente de décomplexifier la pratique de l’évaluation et de rendre accessibles aux chefs d’entreprises, aux Directeurs administratifs et financiers et au grand public les informations relatives aux pratiques des experts immobiliers en France.
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[1] Parmi les professions visées, on compte le Notariat, les agents immobiliers, les syndics, ou encore les diagnostiqueurs immobiliers.
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