Evalvé a développé le manque latent d’organisation en matière d’expertise en évaluation immobilière en France, ainsi que l’absence de statut clair pour l’expert immobilier.
Passé ce constat, penchons nous sur les solutions qui peuvent être mises en place pour remédier à ces éléments qui freinent la clarté de la pratique et contribuent au flou qui règne sur la profession d’expert en évaluation immobilière. Une nécessaire régulation de la pratique doit intervenir, pour faire cesser certaines situations, et enfin donner toute l’importance que la profession mérité, pour obtenir un rayonnement national.
Evalvé, dans sa volonté de clarification de la pratique, fait le point sur les solutions pouvant être mises en place afin de consacrer la nécessaire réforme de la pratique de l’expertise immobilière.
Aujourd’hui, nous avons en France une multitude d’organismes qui se targuent de fédérer les professionnels de l’expertise Française.
Bien que certains aient des activités spécifiques (les experts agricoles et forestiers et les experts judiciaires par exemple), une foultitude de réseaux existe alors qu’ils pourraient fusionner dans une entité plus large avec des ramifications propres à leurs spécificités. On peut citer, parmi ces organismes, la Compagnie Nationale des Experts Judiciaires en Estimations Immobilières (CNEJ), la Confédération des Experts Agricoles, Fonciers et Immobiliers (CEAFI), la Chambre des Experts Immobiliers de France FNAIM (CEIF-FNAIM), la Fédération Nationale des Chambres d’Experts et Experts Judiciaires Évaluateurs Fonciers Immobiliers et Commerciaux (EEFIC), l’Institut Français de l’Expertise Immobilière (IFEI), la Compagnie Nationale des Experts Immobiliers (CNEI), l’Association Française des Sociétés d’Expertise Immobilière (AFREXIM), le Comité d’Application de la Charte d’Expertise en Evaluation Immobilière[1]… Et nous ne parlons pas des diverses accréditations ou certifications d’experts…
Comment le client profane, que ce soit un particulier ou une entreprise, peut-il s’y retrouver dans cet imbroglio de dénominations, qui se ressemblent malgré tout ? Ces organismes, qui souhaitent simplifier l’accès à l’expertise et augmenter sa visibilité auprès du public, ne font que la rendre plus opaque en multipliant les structures, alors qu’elles souhaitent toutes aller dans la même direction. Il n’est pas utile de préciser la perte financière qui résulte également de cette multiplicité d’organismes, financés par les cotisations de leurs adhérents.
De part cette pluralité d’organismes, la prise de décision est aussi plus difficile, il faut réunir l’ensemble des acteurs, chacun possède sa manière de prendre les décisions, les intérêts ne sont pas stricto sensu les mêmes, … Cette organisation rend opaque la profession en France. La recherche d’un statut ne doit pas se faire coûte que coûte et chacun de son côté, elle doit se construire ensemble, avec des valeurs communes, une volonté de permettre à la profession d’être connue et reconnue du public, éléments essentiels à un développement de la pratique.
Une entité unique serait une solution à cette situation. Elle permettrait à tous ses membres de s’exprimer, se concerter, échanger directement sur leurs pratiques et pouvoir prendre des décisions rapides et efficaces. La clarté de la profession d’Expert Immobilier serait alors visible par l’ensemble des acteurs de l’immobilier, et plus largement par le grand public, qui a jusqu’alors négligé le recours à cette profession par manque de connaissance de ce métier ou par manque de lisibilité dans les différents organismes qui se présentent sur le marché. La situation actuelle peut s’apparenter à la multiplication des labels dans la grande distribution. Un consommateur a du mal à s’y retrouver parmi une grande quantité de labels en magasin. Il s’orientera vers les labels qui rassemblent une grande quantité de produits et surtout qui lui sont familiers.
A ce titre, l’Ordre des Évaluateurs agréés du Québec (OEAQ) peut servir d’exemple pertinent. Il a su fédérer l’ensemble des professionnels autour de l’agrément qu’il dispense, avec un système strict de compétences et de diplômes demandés pour pouvoir prétendre à devenir Évaluateur Agréé. La profession est connue par le grand public et est d’une grande transparence, tant en interne (publication des comptes, informations générales et tenue d’assemblées multiples) qu’à destination du public. La différence majeure de cette reconnaissance et de la symbiose qui existe dans la province de Québec est la reconnaissance de ce titre par les autorités et le pouvoir législatif.
En effet, la création d’une structure commune est délicate en France. Chaque entité a ses propres intérêts et a une vision qu’il perçoit comme étant la meilleure de la profession. Il est donc nécessaire que les pouvoirs publics fassent un geste législatif en faveur de la profession pour pouvoir lui donner le cadre dont il a besoin pour s’épanouir.
L’expert n’est pas reconnu aujourd’hui[ 2], ce qui pose le problème de la qualité de l’expert, de la reconnaissance de ses connaissances, de l’acquisition de savoirs validée par un diplôme, mais également de la responsabilité qui peut peser sur sa personne. Nous verrons par la suite que de nombreux obstacles freinent l’émergence d’un statut d’expert immobilier.
Nous avons remarqué que des organismes privés ou organisés en association tentent de pallier à ce manque, par l’octroi d’agrément ou de titres de divers ordres. Cependant, cette pratique pose les questions des critères pertinents pour apprécier la qualité de ses membres, la vérification ponctuelle des connaissances et de la pratique de l’expertise, ainsi que des sanctions applicables en cas de non respect des règles édictées.
Une entité unique permettrait de pouvoir se donner les moyens d’effectuer des contrôles de compétences et de connaissances, mais également de contrôler l’accès à la profession. La question de la reconnaissance des diplômes est fondamentale. Une liste des diplômes permettant l’accès à la profession doit être édictée, pour prévenir l’installation d’experts qui n’auraient pas les compétences nécessaires à l’exercice de la profession. Le schéma ci-dessous est une proposition de l’organisation qui pourrait être mise en place.
Cette organisation simple permettrait une lisibilité auprès des clients, un contrôle plus strict et une harmonisation des pratiques nécessaires. Celle-ci ne remet pas en cause certaines structures actuelles, puisque les dénominations REV et MRICS pourraient être utilisées tout de même. Egalement, tout le travail réalisé en amont depuis ces dernières années n’est pas vain, puisque la base de cette organisation peut reposer sur la Charte de l’Expertise en Evaluation immobilière, qui est un consensus largement approuvé par la quasi-totalité des praticiens.
La structure unique créée devrait alors posséder une organisation interne pertinente, et être efficace. Encore une fois, l’exemple Québécois est intéressant. Les comités créés au sein de l’OEAQ ont chacun une fonction essentielle. Institués par le Code des Professions[3], ils sont ci-après résumés[4] :
Le conseil de discipline: Ce conseil est saisi lorsqu’une plainte est formulée à l’encontre d’un Evaluateur Agréé.
Le conseil d’arbitrage des comptes: Il permet de concilier un client et un Evaluateur lorsqu’un litige porte sur une somme de 2.000 $ ou plus, afin d’éviter l’établissement d’honoraires abusifs.
Le comité de révision: Il permet à un client ayant un litige avec un Evaluateur Agréé de demander un avis professionnel avant d’entamer une procédure. Cela permet de ne pas engorger le système judiciaire. Un parallèle peut être fait avec les structures Notariales Françaises, puisque des litiges peuvent être réglés en interne afin d’éviter des situations procédurales. La possibilité de contestation est ouverte à tous : « Tout consommateur qui transige avec un évaluateur agréé bénéficie de recours lorsqu’il considère que ce dernier ne s’est pas acquitté de sa tâche avec compétence et intégrité ».
Le comité d’inspection professionnelle: Il surveille la pratique des membres en mettant en place un programme d’inspection annuel. Ces inspections concernent tant les rapports qu’il a signé que les documents, registres et livres qui ont concouru à l’élaboration de ceux-ci. Elles concernent également les travaux réalisés par les techniciens pour le compte de l’Evaluateur Agréé.
Le comité d’admission: Ce comité gère le respect des règlements et l’admission des nouveaux membres au sein de l’ordre.
Le comité de formation continue: Cette autre branche de l’ordre a en charge, comme son nom l’indique, la formation des membres et de leurs partenaires. Elle met en place un programme de formations relatives à l’évaluation mais également dans un cadre plus large, auprès des professions apparentées.
Le comité de la formation (représentants de l’OEAQ): La mission de ce comité est d’appréhender et de gérer les établissements d’enseignement et d’apprécier la qualité des formations dispensées en vue de l’accès à la profession.
Ces cellules sont les principales. Il existe une multitude d’autres branches, pour la modernisation de l’évaluation foncière au Québec, sur la question de l’évaluation des immeubles industriels, les pratiques en matière d’évaluation des immeubles verts, sur la pratique de l’évaluation municipale, sur l’harmonisation des normes pancanadiennes, sur la déontologie, etc.… Il existe un foisonnement d’échanges, de partage intra professionnel de nombreux praticiens.
Le coût afférent au fonctionnement de cet ordre reste peu important. Il est de 1.160.000 $ Can, soit moins de 800.000 €[5]. Les sources de financement sont principalement la formation et les cotisations perçues, payées par les membres. Celles-ci s’élevaient à 747.000$ en 2013, soit 720$ par membre, ce qui représente un peu moins de 500 € annuels par membre.
Ces coûts sont sans commune mesure avec ceux qui sont pratiqués en France, à travers la reconnaissance de la RICS, de TEGoVA, ou de divers regroupements professionnels, alors que l’apport est, à notre sens, plus profitable. Le ratio coût/bénéfices retirés est meilleur pour un évaluateur agréé que pour un expert immobilier Français. Une telle organisation permet également de communiquer d’une seule voix sur la profession: présence dans les salons, spots publicitaires…
Cette organisation, relativement simple, permet un contrôle efficace de l’entrée dans la profession, la gestion des conflits, la protection du titre, la formation des entrants et des membres, la concertation de tous les praticiens, et la progression de la profession en général ; le tout pour des coûts, somme toutes, raisonnables.
Quels empêchements, devant ce constat, existent dans l’hexagone freinant l’émergence d’un tel acteur ?
Pour illustrer ce qui pourrait être mis en place en France, sur la base de l’organisation de l’OEAQ, ce schéma représente grossièrement une typologie d’organisation possible :
La mise en place de ce type d’organisation poserait un certain nombre de difficultés, d’abord parce que les Associations et regroupements d’experts existants voudraient conserver leur intégrité et la place qu’ils occupent aujourd’hui. Il serait néanmoins possible, par la concertation, de combiner les intérêts de tous en fonction des structures déjà existantes. L’actuel éparpillement des actions et des réflexions mettrait certes quelques années à se dissoudre au profit d’une unification des savoirs, des réflexions et des pratiques, mais le gain à moyen terme serait énorme pour tous les acteurs de l’Expertise Immobilière.
Le pouvoir législatif doit donner un monopole aux Experts Immobiliers. Ce monopole confèrerait une sûreté pour les citoyens, les entreprises mais aussi l’administration. Penser à un statut similaire à celui des Notaires est peut être maladroit, puisque ceux-ci sont des officiers publics. L’expert immobilier n’a pas besoin d’être officier public. Le statut serait plutôt proche de celui de la profession d’avocat, avec son système d’examen d’entrée (CRFPA) et sa structure constituante et décisionnelle.
Cette situation structurelle permettrait également une mutualisation des versements des experts en termes de cotisation. Le versement d’une cotisation liée à l’obtention de l’agrément et permettant le fonctionnement de l’organe central de l’expertise se substituerait aux cotisations présentement versées par les experts qui souhaitent bénéficier d’une titularisation de leur pratique. Celle-ci permettrait également de dispenser des formations en cours de carrière, ainsi que financer les contrôles effectués par la structure, éléments qui bénéficieraient à tous les membres.
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[1]Ce comité s’est constitué en Association le 07 Avril 2014.
[2] Du moins en partie : seuls les statuts d’Expert Agricole et Foncier et d’Expert Forestier sont reconnus.
[3] Articles 116, 88, 123, 109 et 112.
[4] Source : Ordre des Evaluateurs Agréés du Québec.
[5] Taux de change applicable au 14/08/2014. Source : Les Echos Bourse, devises Forex.
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