Si certains pays ont mis un système efficient sur pied en matière d’expertise immobilière, nombre de pays, à l’instar de la France, entretiennent un flou sur la profession.
Certains pays ont jusqu’à aujourd’hui négligé d’entreprendre une réforme et une régulation de la pratique. Les situations sont différentes selon les nations. On peut comprendre que certains pays n’ont pas les mêmes besoins et n’ont pour le moment pas jugé nécessaire d’encadrer la profession, ou seulement de manière partielle. Le peu d’importance des investissements internationaux ou les pays qui connaissent un marché immobilier atone n’ont par exemple pas besoin de réguler la profession.
Cependant, dans de nombreux pays, cette situation présente des inconvénients. Nous développerons donc les situations de plusieurs pays, jugées imparfaites ou faisant apparaître une inexistence de règles en matière d’évaluation immobilière. Nous pourrons ensuite nous permettre de faire le parallèle avec la France.
Evalvé, dans sa volonté de clarification de la pratique, fait le point sur les pratiques à l’étranger et engage la réflexion sur la nécessité d’une réforme de la pratique de l’expertise immobilière.
Chez nos voisins outre-Rhin, en Allemagne, il n’existe ainsi aucune législation spécifique à la profession. Il n’existe qu’une ordonnance, nommée ImmoWertV, complétée par les indications détaillées de la Wert2006. Cette ordonnance n’est cependant pas opposable aux évaluateurs. Les indications de l’ImmoWert et de la Wert 2006 sont reconnues par les évaluateurs allemands, donc ils respectent pour la plupart les indications de ces deux textes mêmes s’ils n’y sont pas tenus. L’ImmoWertV, datant de juillet 2010, est généraliste et développe le déroulement de l’évaluation. Les règles édictées dans la Wert 2006 précisent les difficultés pouvant être rencontrées. Elles comprennent aussi des exemples de méthodologies et de calculs. Outre ces deux textes, qui sont facultatifs, il n’y a aucune règle spécifique. Tout le monde peut donc prétendre être évaluateur. Aucune certification n’est demandée pour accéder à la profession.
Cette constatation reste théorique, puisqu’il est habituel pour les praticiens d’être nommés et assermentés par les chambres de commerce.
Nous ferons également remarquer que ce sont bien souvent des géomètres experts qui accèdent à la profession. Enfin, en matière hypothécaire, les banques demandent un expert certifié Hypzert[1]. Cette certification nous est familière, puisque certains experts Français réalisant des expertises pour des fonds d’investissement Allemands, largement implantés sur le territoire, possèdent cette certification, en complément de celles déjà possédées (notamment chez JLL, CBRE, Catella, Cushman & Wakefield).
On constate donc que la profession n’est pas entièrement structurée, de manière partielle seulement, mais qu’elle possède un cadre législatif minimal, ainsi que des obligations latentes, presque nécessaires pour exercer.
S’agissant de nos autres voisins, transalpins cette fois, aucune réglementation n’existe non plus en matière d’évaluation immobilière en Italie. Seules des situations spécifiques sont réglementées, à l’image des occupations temporaire et de l’expropriation. Les banques ont des exigences quand à l’établissement de leurs rapports et les normes à respecter, avec des formats standardisés.
Similairement à la situation Française, l’essor des investissements immobiliers et l’intervention de fonds d’investissements importants, une prise de conscience des acteurs a permis d’entamer une réflexion sur la profession.
Ainsi a été publié le Code de l’évaluation Immobilière[2], par le consortium Tecnoborsa. Il s’agit d’une structure contrôlée par la Chambre de commerce, d’industrie, de l’artisanat et de l’agriculture. Elle a été créée en 1997. Les motivations premières de ce code sont le développement, le contrôle et la transparence du marché immobilier Italien.
L’implantation de la RICS est en développement en Italie. Le « Red Book » a été traduit dans la langue nationale, mais les MRICS restent minoritaires et la certification monte en puissance progressivement. De multiples normes et organisations existent en parallèle, comme en France. On recense ainsi le comité d’évaluation, formé de l’IPD, observatoire connu en France, et d’une société de recherche. Ils souhaitent définir une norme d’évaluation commune pour les praticiens. L’association « Assoimmobiliare », composée d’entreprises de taille conséquente, a également son propre document de référence en la matière. Une autre association, « Assogestioni », publie quand à elle un document relatif aux évaluations de parts ou participations dans des sociétés à prépondérance immobilière[3].
Avec l’importance de plus en plus marquée de la certification RICS sur le territoire, on a vu une accélération de la prise de conscience. Une formation professionnelle (APC) permet désormais de choisir la voie de l’évaluation et un accès privilégié à la RICS. Le maillage structuré de l’évaluation immobilière est donc impulsé, mais il convient de faire de nombreux efforts pour améliorer le système. Tous les outils pouvant y concourir sont entre leurs mains.
On constate par conséquent pour ce pays une porte ouverte de la législation, permettant des dérives et un flou entourant la profession, avec les mêmes conséquences qu’en France.
Le Qatar possède une situation intéressante. L’importance croissante du marché immobilier dans ce pays, et la population composée à plus de 80% d’étrangers pose une problématique forte autour de la pratique de l’évaluation immobilière.
Des évaluateurs issus de divers pays effectuent des évaluations. Forcément, il en résulte que les pratiques sont divergentes d’un expert à l’autre. Exercent dans ce pays des évaluateurs affiliés à des organismes développés précédemment par Evalvé, notamment des Canadiens ayant l’agrément de l’ICE et des Néo-Zélandais ayant l’agrément de la LINZ. Les membres sont peu nombreux aujourd’hui, et une infime partie de ceux-ci ont une spécialisation en évaluation. Le gouvernement Qatari ne reconnaît pas les appartenances et certifications délivrées par les organismes extérieurs. Il n’y a par ailleurs aucune norme en place au Qatar. Les évaluateurs sont donc sollicités davantage en fonction de la faiblesse de leurs honoraires que pour les compétences dont ils disposent.
Il existe néanmoins une procédure obligatoire pour les praticiens instituée par le Conseil Supérieur des Magistrats de l’état du Qatar (CSM), donnant droit à une licence, mais sans exigence d’une qualification spécifique.
Concernant les évaluateurs travaillant avec les banques ou établissement de crédit, aucune règle n’existe. Cette situation aboutit à un délaissement des cabinets d’évaluation internationaux, au profit des évaluateurs locaux, pratiquant des frais très peu élevés.
On voit que dans ce cas une totale absence de règles et d’implication gouvernementale nuit à la qualité des évaluations, et donc à la transparence du marché immobilier. Le Ministre de la justice a déclaré à ce titre vouloir créer une législation, cette situation leur causant du tord au niveau financier. Par ailleurs, la RICS a entamé une procédure spécifique, avec un organe de contrôle permettant l’accès à la certification RICS, sur des bases communes.
Géographiquement plus proche, la situation Suisse possède des similarités en matière d’évaluation immobilière avec notre pays. 3 associations sont influentes : la RICS, l’ASPI (Association Suisse des professionnels de l’Immobilier) et la SIV (Association Suisse des Evaluateurs).
Les normes qu’elles édictent ne font l’objet d’aucune législation. Un manuel suisse d’évaluation a été publié, en collaboration avec ces associations, à l’image de notre charte de l’expertise en évaluation immobilière. Elle relève les règles méthodologiques de la pratique expertale suisse. L’intérêt pour la réglementation de la profession s’est manifesté au début des années 1990, comme en France.
En Suisse, la RICS est présente sur le marché depuis environs 10 ans, et impose le « Red Book », ses pratiques prenant de plus en plus d’ampleur. Par ailleurs, aucun cursus conduisant à la profession n’est proposé, seulement des cours d’immobilier en tous genres. Un agrément spécifique est dispensé par l’Autorité de surveillance des marchés financiers suisses (FINMA) ; et impose d’avoir certaines qualifications, une accréditation par l’autorité de régulation et d’être indépendant.
Nous pourrions continuer à développer les pratiques expertales des autres pays analysés, comme le Brésil, la Belgique, l’Espagne et l’Egypte. L’analyse des systèmes en place et des différentes évolutions qu’ils ont connues est passionnante. Cependant, l’idée à retenir ici est que les situations observées dans ces pays est très proche de celle de la France, et font ressortir un même constat:
La présence de nombreuses règles et regroupements, non codifiés ou approuvés explicitement par les pouvoirs publics nuit à la reconnaissance de la profession. L’organisation nationale de l’expertise résulte en ces cas d’une myriade d’associations, de labels et d’agréments, rendant difficile l’accès, la pratique, le contrôle et donc l’évolution de la profession de l’évaluation immobilière.
Nous avons pu voir précédemment que certains systèmes fonctionnent très bien, et que cela est en grande partie dû au fait de l’imposition de règles par la législation. Nous pouvons espérer que l’essor des normes et regroupements internationaux et régionaux, comme par exemple les IVS, ou la TEGoVA, qui ont commencé la vaste tâche de l’uniformisation des pratiques, vont pousser les Etats à légiférer dans leurs propres territoires, et formaliser les règles imputables à l’évaluation des actifs immobiliers.
Les systèmes efficients sont composés d’une structure unique, de normes communes, d’un titre et d’une structure généralement associative reconnus par les pouvoirs publics. Cette organisation permet des coûts peu élevés, des outils performants, et la mise en place de cellules de formation et de contrôle efficaces.
La progression de la RICS à travers le monde ne peut pas non plus être niée. Cependant, la question est entière : doit-on se réjouir de son importance et consacrer les accréditations qu’elle dispense, sachant qu’elle est un organe privé, avec une logique de profit, pouvant potentiellement avoir des dérives ? Ou s’en alarmer et privilégier la mise en place d’un ensemble de règles nationales propres, avec un organe associatif ou étatique central ayant en charge la formation, l’accès et le contrôle de la profession ?
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[1] Association créé à la suite de la crise des années 1980 pour réglementer la profession.
[2] Codice delle Valuazioni Immobiliari, publié régulièrement depuis 2000.
[3] Ce texte de 2009 s’intitule « Procesi di valutazione di beni immobili, diritti reali immobiliari e partecipazione in società immobiliari ».
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