Evalvé a développé le manque latent d’organisation en matière d’expertise en évaluation immobilière en France, ainsi que l’absence de statut clair pour l’expert immobilier.
Passé ce constat, penchons-nous sur les solutions qui peuvent être mises en place pour remédier à ces éléments qui freinent la clarté de la pratique et contribuent au flou qui règne sur la profession d’expert en évaluation immobilière. Les litiges impliquant les services du Domaine , désormais direction immobilière de l’état pourraient être évités dans un nombre considérable de cas, notamment dans le cadre d’expropriations.
Evalvé, dans sa volonté de clarification de la pratique, fait le point sur les solutions pouvant être mises en place afin de diminuer les litiges issus de l’évaluation immobilière en matière d’expropriation et permettrait à l’Etat et aux communes de gagner beaucoup d’argent sur certaines transactions qui demeurent opaques.
De nombreux litiges et interrogations résultent des pratiques effectuées par les services d’évaluation de la Direction générale des Finances Publiques (DGFIP), de la Direction de l’Immobilier de l’Etat, anciennement dénommés France Domaine. On a en tête une très médiatique affaire relative à la sous-évaluation de l’hippodrome de Compiègne, ou encore les très nombreuses contestations liées à des affaires d’expropriation.
Cette affaire retentissante devrait servir de leçon. Dans ce cas précis, l’expertise réalisée par le Service du Domaine a été réalisée d’une façon contestable. En effet, ce service a effectué l’évaluation seul, alors qu’il n’en avait visiblement pas les moyens. Pourtant, la possibilité était offerte à ce service de recourir à un expert immobilier indépendant. Le Directeur Général des finances publiques chargé du budget avait pointé cette possibilité en 2001, relativement à une cession effectuée sans mise en concurrence, c’est-à-dire de gré à gré :
« L’éventualité de la vente du bien à l’amiable de gré à gré rend d’autant plus indispensable de recourir à une expertise privée pour établir la valeur de ce bien afin de ne pas confondre les fonctions de vente et d’évaluation. Cette expertise n’interdit pas au contraire qu’elle intervienne en complément de l’expertise qui sera demandée par le service local du domaine. »[1].
Cette évaluation avait également été réalisée en prenant en compte des comparables très contestables. N’ayant pas de références de transactions d’hippodrome car s’agissant de biens spécifiques, on le comprend, le service a pris comme comparables des transactions de terrains dédiés à la pratique du golf. Or, aucune pondération des prix n’a été effectuée sur ces comparables, alors que des différences notables existaient. Ainsi, les dates de ventes n’étaient pas similaires (1990 à 2004), de même que les surfaces, la composition des biens (l’un des golfs comprenant par exemple un hôtel), ou encore le contexte de la vente (le rapport pointe la cession de deux comparables entre un Etablissement Public d’aménagement et une communauté d’agglomération, et entre la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) et un Département).
Dans cette affaire, l’évaluateur immobilier n’a également pas valorisé les bâtiments présents sur le terrain, alors qu’il aurait dû le faire, lesdits bâtiments ne bénéficiant que d’une « autorisation précaire et révocable » selon les dires du rapport précité. L’application d’un arrondi à 2.500.000 € plutôt que 2.600.000 € sur une valeur d’évaluation de 2.570.000 € peut également sembler maladroite. N’ayant pas pu disposer du rapport d’évaluation original de l’affaire effectué par France Domaine, nous ne feront que rappeler ce point.
Rappelant que la méthode d’évaluation était en ce cas critiquable, le rapport précité met l’accent sur le manque de professionnalisme, déjà évoqué dans de précédents travaux. Il est souligné que la faible réputation de fiabilité du service France Domaine, écornée davantage encore avec cette affaire, ne plaide pas en faveur d’une pratique rigoureuse de la profession.
Le fait que le service n’ait pas demandé une expertise privée, qui aurait pu confirmer ou infirmer la valeur obtenue, est également critiqué :
« Cette évaluation complémentaire n’était peut-être pas indispensable pour fournir un « ordre de grandeur », dans un premier temps ; mais elle paraissait fort recommandable dès lors que le ministère du budget s’apprêtait à retenir cette donnée pour le montant du prix demandé à la Société des courses de Compiègne. Deux avis ne valaient-ils pas mieux qu’un ; ou fallait-il aller si vite ? ». Nous laisserons le même rapport conclure ce point. Il résume la situation préoccupante que fait émerger cette affaire : « […] On s’est trouvé, en l’espèce, à la limite du dysfonctionnement administratif. »
Le recours à un expert immobilier extérieur indépendant, et n’ayant aucun parti pris aurait pu éviter l’affaire. Si cela avait confirmé les dires du service France Domaine, il en aurait résulté une possibilité de contestation réduite, et l’affaire n’aurait pas pris l’ampleur qu’elle a connue.
En dehors de l’aspect technique de l’expertise décrié ci-haut, ces enseignements nous font prendre conscience du fait que si l’Etat élargissait la portée de la profession et donnait davantage de latitude aux professionnels de l’évaluation, des situations fâcheuses pourraient être évitées. Ici, on pourrait légitimement penser que si la profession d’expert était réglementée et qu’une porosité était établie entre les Services du Domaine et les experts immobiliers du secteur privé, l’ensemble en bénéficierait.
Donner des prérogatives plus larges à l’expert, dans ce cas précis reposant sur une obligation nécessitant le recours à l’avis d’un expert du secteur privé en cas de cession de biens propriétés du patrimoine national devraient être accordées. La question des coûts de cette systématisation est d’ores et déjà écartée, même si la masse des cessions réalisées par l’Etat est importante et que le coût du recours à l’expert immobilier serait important. Ce coût serait effectivement amorti sur la pertinence des évaluations, qui réduiraient le manque à gagner de l’Etat sur certains biens.
La transparence des comptes publics en sortirait également bénéficiaire. La contestation aurait d’autant plus de mal à voir le jour, et la pratique actuellement opaque des cessions Etatiques y gagnerait par ailleurs. A l’image des services d’évaluation du Québec, on pourrait penser à valoriser la profession. On peut aussi penser à les inclure dans la structure commune d’expertise immobilière, dans un département spécifique, avec des passerelles entre le privé et le public et un document commun aux experts privés et publics, à l’image de la charte de l’expertise. Cela contribuerait à avoir une harmonisation des pratiques entre les deux services et de mutualiser les accès aux sources de renseignements immobiliers.
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[1] Source : Rapport d’information de Mme Nicole BRICQ, fait au nom de la commission des finances n° 327 (2010-2011) – 2 mars 2011.
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