Evalvé, dans sa volonté de clarification de la pratique, fait le point sur les outils mis à disposition de l’expert en évaluation immobilière et sur les solutions qui sont en place à l’étranger, facilement transposables en France afin de diminuer le caractère aléatoire et incertain en matière d’évaluation immobilière.
Les outils mis à la disposition des experts ont considérablement amélioré sa pratique. C’est notamment le développement des technologies informatiques et d’internet qui a permis cette évolution rapide. Plus les outils qu’ont en main les professionnels sont efficaces, meilleur sera le travail effectué.
Aujourd’hui, un gap existe entre les sociétés d’expertise immobilière et l’expert immobilier indépendant, en termes d’outils facilitant la pratique. Ainsi, une société d’expertise aura les moyens de s’offrir les services d’une base de données de références de marché, de logiciels cartographiques et géographiques coûteux (Codata par exemple). Elle pourra également développer un service dédié à la recherche, alimentant les bases de données internes, dédiées aux experts et aux brokers. Lesdits brokers étant également une source d’informations pertinente pour certains dossiers puisqu’ils sont au plus près du marché.
Les sources d’informations sont plus restreintes pour les cabinets indépendants, ou possédant de plus faibles ressources. Le travail de recherche est plus important pour ces structures. Les références de marché se trouvent dans les ouvrages publiés par la profession, les revues spécialisées dans tel ou tel domaine, les études locales ou régionales des organismes publics ou privés les mettant à disposition[1].
L’expert indépendant peut également tenir une base de données personnelle, qui a ses limites en fonction du nombre d’expertises réalisées et de la localisation des biens faisant objet de l’évaluation. Il s’agit généralement d’un argument commercial, puisque la qualité d’une base de données interne pour un petit cabinet est très faible et son utilité est très limitée en réalité. Ils peuvent également se renseigner sur internet, sur des sites qui proposent d’établir des prix de marché ou des estimations en ligne. Cependant, ces sites ne nous paraissent en aucun cas pertinents, et nous estimons qu’ils sont dangereux lorsqu’ils sont utilisés par un expert. En prenant appui sur de telles sources, même si elles ont tendance à s’améliorer, l’expert prend en compte des sources douteuses, puisque les valeurs données sont automatisées, et sont opaques.
Nous déconseillons donc cette pratique, à bannir de manière formelle des pratiques d’un expert. Cependant, l’on comprend qu’il puisse être tenté par ce genre de comportement au vu du coût que représente l’accès à l’information immobilière[2].
Certains experts pallient ce manque d’information en regroupant les bases de données personnelles, ou en mutualisant leurs outils, ce qui semble être une démarche positive. Une mutualisation des informations immobilières sur l’ensemble de la profession, avec l’accès aux services fiscaux serait une avancée majeure. Cela permettrait une transparence des expertises et confierait davantage de pouvoir et de responsabilités aux experts. Le fossé entre les différents Experts ou société d’Expertise serait comblé, et la pertinence des références utilisées et de l’étude de marché en serait meilleure.
Nous ferons encore ici un parallèle avec la pratique Canadienne de l’évaluation, si ce n’est en promouvant, en présentant le système Multiple Listing Services (MLS)[3].
Cette base de donnée recense presque toutes les ventes immobilières ayant eu lieu au Québec depuis les 20 dernières années. Cette liste n’a pas de comparable en France, puisqu’au Québec, la quasi-totalité des agents immobiliers accèdent et complètent cette base de données. Un expert immobilier en France devra se renseigner et payer pour obtenir des références valables à utiliser dans l’un de ses dossiers d’évaluation, alors qu’au Québec il suffit d’utiliser cette base de données.
Il convient de noter qu’une autre base, la base de données des transactions publiées au registre foncier du Québec, accessible sur le site JLR, permet la consultation des ventes effectivement signées devant Notaire. L’Évaluateur croise donc les deux bases de données pour pouvoir obtenir des informations fiables. En France, cela paraîtrait inconcevable, même si des tentatives d’uniformisation des pratiques des experts immobiliers existent à ce jour.
Il n’est ainsi pas nécessaire de procéder à une analyse des données du marché poussée pour obtenir des références valables à utiliser pour pouvoir effectuer l’Évaluation de la propriété désirée. Elle demeure cependant nécessaire dans des cas spécifiques, pour des biens d’exceptions, ou présentant un caractère pour lequel il n’existe pas de comparable valable.
Cela induit une tâche de l’expert facilitée, donc des frais moins onéreux pour le client. Un outil de la sorte en France permettrait de généraliser le recours à un expert, les frais perçus pour l’établissement d’un dossier devenant plus faibles qu’actuellement.
Une simple recherche sur le marché immobilier MLS permet de trouver les références pertinentes, et éventuellement de croiser ces références avec le fichier du registre des actes Notariés, JLR, pour obtenir la date exacte de signature de l’acte authentique et la publication au registre foncier du Québec. Les références ne sont pas forcément systématiquement sur la base de données. Dans le cas où il s’agit de constructions récentes, ou n’ayant pas été mutées depuis des années, ou encore n’ayant pas été mises sur le marché, il n’y aura pas de fiche MLS.
Par ailleurs, pour certaines fiches MLS, certains documents sont joints. Il peut s’agir du certificat de localisation, de la déclaration de copropriété, la déclaration du vendeur, la réunion et le budget de copropriété, les baux en cours, l’information sur l’installation individuelle d’assainissement… Tous ces documents peuvent servir à l’Évaluateur, alors qu’il doit, en France, réaliser des recherches poussées, parfois sans l’aide du propriétaire (dans le cas d’expertises immobilières litigieuses devant le tribunal, par exemple). Le certificat de localisation notamment, permet de situer le bien dans l’espace, et permet le calcul de la surface plancher de manière aisée.
La recherche est beaucoup plus rapide si elle est bien menée, elle s’avère également plus pertinente, et moins coûteuse (2,00 $ pour obtenir le résumé d’une vente ainsi que l’acte notarié sur le site JLR, gratuité de la recherche et des documents sur le site MLS). Par conséquent, la pertinence des transactions similaires obtenues facilite le travail de l’évaluateur, et son évaluation sera plus fiable.
Les outils plus ou moins similaires mis à disposition de l’expert en France sont, par exemple, la base de données « Bien » en Ile de France, la base « Perval », la base « Clameur » pour les loyers, la base de données privée de la FNAIM, la base de données de la Direction Générale des Finances publiques qui n’est pas accessible, les bases personnelles des experts (par exemple la Base de données de références immobilières)… Cependant, même croisées, elles sont moins utiles, moins performantes et surtout plus onéreuses que les bases de données utilisées au Québec, qui sont très complètes, et fonctionnent depuis un certain nombre d’années maintenant.
Pour compléter et clore cette remarque, il convient d’indiquer que de nombreux professionnels en France militent pour l’ouverture aux professionnels de ces données, avec un contrôle sur son utilisation et éventuellement un accès payant. Cette initiative serait judicieuse, afin de permettre une transparence des valeurs utilisées, du prix payé pour telle ou telle transaction, ainsi qu’une facilité de vérification de la compétence des professionnels de l’immobilier, qui fixent parfois la valeur des biens immobiliers sans aucune connaissance des prix pratiqués sur le marché local.
Au Québec, l’aperçu du marché immobilier pour les biens « classiques » est tellement complet que cela permet d’appliquer les méthodes d’évaluation de manière simple.
La part d’incertitude, de technicité et donc de difficulté est alors réduite. Un Expert immobilier en France aura davantage de mal à trouver des comparables valables, surtout en région, et aura donc une part d’incertitude et de technicité plus importante, induisant une difficulté accrue. De cette difficulté accrue, il en résultera un travail plus conséquent, pour un résultat égal ou moins fidèle au marché et donc moins précis que celui de son homologue Québécois. Cette facilité d’obtention des renseignements et de gain de temps permet, selon moi, une concentration plus importante sur la réalisation de l’évaluation elle-même et sur le côté technique de l’évaluation.
L’Évaluateur consacre moins de temps à ses recherches, il en résulte par conséquent un gain de temps et d’argent considérable. Les honoraires perçus seraient ainsi
Une réunion du cadastre, du service des impôts, et des bases de référencement des cessions réalisées sur le territoire Français serait bénéfique. Sur la base du système MLS, l’expert pourrait disposer des valeurs antérieures de cession, de la composition du bien, des éventuelles servitudes existantes, de la localisation géographique…
Les Notaires disposent par exemple de certains fichiers des impôts, relatifs aux propriétaires de biens immobiliers, appuyés sur les données des services du cadastre et des hypothèques. Cela permettrait une accélération des expertises, puisque chaque actif aura une data-room disponible sur une interface unique.
La pertinence des comparables pour l’utilisation de la méthode par comparaison en deviendrait presque incontestable. En effet, au Canada, la recherche de comparables peut se faire sur un niveau de détails impressionnant, avec une proximité géographique des sujets et un nombre considérable de transactions temporellement proches[4].
Il faut aussi que les pouvoirs publics puissent faire confiance à un acteur qu’il ne connaît pas forcément beaucoup, en lui donnant accès à des informations sensibles. S’il est facile de penser à la mise en place de cette mutualisation, il est en revanche difficile de pouvoir croire à son effectivité. Cette structuration a beaucoup de difficultés à naître. Chaque regroupement d’expert œuvre dans son coin, avec une ouverture très relative aux praticiens de son entourage.
Il ne s’agit pas d’attendre la promulgation d’une loi qui entérinera la profession de manière plus formelle. Il s’agit de regrouper toutes les instances décisionnelles et associatives pour créer une superstructure capable de mobiliser la quasi-totalité de la profession. Une fois les bases de cette organisation posée, ce qui prendra déjà un temps considérable au vu des divergences qui règnent ; les pouvoirs publics ne pourront plus ignorer qu’elle existe, et le poids de cette structure permettra de peser pour une législation spécifique donnant la reconnaissance dont ont besoin les experts.
Gardons cependant à l’esprit qu’écrire ces propos est d’une grande facilité, mais il s’agit en réalité d’une tâche ardue que de vouloir mener vers une effectivité d’un titre d’Expert immobilier ou d’une plus grande reconnaissance professionnelle. Nous verrons dans les prochains articles en quoi cette difficulté est symptomatique en France.
Besoin de contacter un expert immobilier pour évaluer vos biens immobiliers en France? Contactez un Expert Evalvé !
Evalvé tente de décomplexifier la pratique de l’évaluation et de rendre accessibles aux chefs d’entreprises, aux Directeurs administratifs et financiers et au grand public les informations relatives aux pratiques des experts immobiliers en France.
© Vous avez aimé et souhaitez reprendre des éléments de cet article? Citez Evalvé avec un lien vers cette page !
[1] Certaines sociétés mettent ces études à disposition (CBRE, BNP Paribas RE, Cushman & Wakefield, …), bien que ce soit devenu très rare.
[2] A titre d’exemple, les tarifs de la Base BIEN des Notaires en Ile-de-France sont de 3,00€ par référence jusqu’à 2000 références, puis de 6.000,00 à 15.000,00 € pour 3 000 à 10 000 références.
[3] Les éléments suivants sont issus d’un travail personnel de rapport de stage réalisé en 2013 dans la province de Québec.
[4] Ce dernier point étant tributaire du nombre de transactions et du dynamisme du marché immobilier, il est indiqué à titre informatif.
Crédits photos: Pixabay – Unsplash / tpsdave / Unsplash / Unsplash / MikesPhotos / AlexVan