Floue, compliquée, inconnue, opaque: nombreux sont les adjectifs qui sont donnés à la profession d’expert en évaluation immobilière. Pourtant, une structuration de la profession autour d’une formation diplômante officielle, d’une expérience significative et d’une formation continue tout au long de la vie de l’Expert serait simple à mettre en place, et surtout bénéfique pour tous.
Encadrée par des normes claires, un organe de supervision reconnu, voire consacrée par la titularisation, la pratique dans certains pays est facilitée. La pratique, dans ces conditions, permet une transparence de la profession et un usage des méthodologies cohérent entre les professionnels réalisant les évaluations.
Evalvé, dans sa volonté de clarification de la pratique, fait le point sur les pratiques à l’étranger et engage la réflexion sur la nécessité de structurer la pratique de l’expertise immobilière en France.
Imageant cette remarque, le Québec est un exemple pertinent. Dans cette province Canadienne, le praticien qui effectue les évaluations, dénommé « Évaluateur Agréé », possède de nombreuses prérogatives du fait de son titre, inscrites dans un code des professions[1]. Il est également obligatoirement inscrit à l’Ordre des Évaluateurs Agréés du Québec (OEAQ), structure permettant l’agrément indispensable à la pratique de la profession.
Née par une loi de 1969[2], la corporation professionnelle des évaluateurs agréés du Québec a fondé le statut des évaluateurs agréés du Québec. Cet ordre professionnel a ensuite été entériné par le code des professions en 1973. La motivation première de l’Ordre des Évaluateurs Agréés était, et est encore aujourd’hui la protection du public, en « lui fournissant les services des évaluateurs les plus compétents possible, de promouvoir la dignité et l’honneur de ses membres, de développer leurs aptitudes en matière d’évaluation des biens, de réglementer leur discipline et leur conduite professionnelle et de leur donner l’occasion de s’exprimer sur les questions qui concernent leur profession ».
On remarque que, très tôt, la profession a été reconnue par les instances législatives de la province.
L’ordre est un organisme à but non lucratif. Il s’occupe, outre les points précédemment évoqués, de contrôler les abus des membres détenant le titre d’Évaluateur Agréé, ainsi que de poursuivre ceux qui usent de ce titre sans en avoir les diplômes.
Cette structure appliquée au sein d’une province, traditionnellement sécessionniste pour les raisons que nous connaissons, s’inscrit dans une organisation Canadienne qui a également une efficience reconnue. L’Institut Canadien des Evaluateurs (ICE ou AIC : Appraisal Institute of Canada) a été créé en 1938, et fédère l’ensemble des associations provinciales. Il possède environ 5000 membres. Le modèle ayant fait ses preuves, il s’est d’ailleurs exporté dans d’autres régions du monde.
Le système expertal de l’ICE est porté sur l’octroi de deux types de titres : L’AACI (Accredited Appraiser Canadian Institute) et le CRA (Canadian Residential Appraiser). La distinction réside dans le fait que les membres portant le premier titre sont habilités à réaliser des évaluations en matière commerciale et résidentielle, les seconds sont spécialisés dans l’évaluation d’immeubles résidentiels (avec une limite d’évaluation de 4 logements dans un même ensemble immobilier).
Un évaluateur qui souhaite prétendre à l’un de ces titres doit remplir certaines conditions de formation et d’expérience[3]. Il doit en effet obtenir un diplôme universitaire, devenir membre étudiant d’une association provinciale, suivre un atelier et un cours, pour ensuite pouvoir devenir Membre stagiaire. Une fois cette étape terminée, il est nécessaire d’effectuer un séminaire relatif aux bases de l’évaluation et des règles éthiques. Il est ensuite requis de choisir le titre qui est convoité, qui demande 7 cours de l’ICE et 1 an de pratique avec un mentor pour le titre CRA, ou 15 cours et 2 ans d’expérience avec un mentor pour le titre d’AACI. Cette nouvelle étape terminée, il sera demandé d’effectuer une étude de cas sous tutelle, qui donnera lieu à un examen, puis un second examen écrit portant sur le programme pratique, et enfin une interview sur la compétence professionnelle du candidat. Une fois ces trois étapes réussies, le membre possèdera le titre qu’il a sollicité.
L’énonciation de ce cursus peut paraître fastidieux et anecdotique à lire ; elle est pourtant volontaire. En effet, elle permet d’insister sur le fait que l’accès à la profession n’est pas une évidence, c’est un parcours initiatique qui juge les compétences et la motivation de manière complète. Elle donne aux membres une formation commune. Elle met donc sur un pied d’égalité tous les prétendants à la profession, avec un minimum de connaissances requis, une expérience réussie, et teste le réel engouement pour la pratique de l’évaluation immobilière.
Gardons à l’esprit qu’en France, même si des formations existent de manière éparse et d’une qualité plus ou moins bonne, il n’en reste pas moins que l’expert immobilier peut avoir un niveau médiocre en début de carrière, avec peu ou pas d’expérience, et légitimement effectuer des évaluations immobilières, tout en appartenant à des associations ou possédant divers pseudos-titres. Une organisation similaire à celle de l’ICE est facilement envisageable, peu coûteuse à mettre en place et serait bénéfique pour l’ensemble de la profession.
L’ICE oblige également à suivre des formations en cours de carrière. Les membres doivent obtenir des crédits tout au long de leur parcours professionnel, et déclarer ce suivi de formation dans leurs rapports d’expertises. L’obligation de formation existe aussi en France, plus ou moins contraignante et pertinente, selon les organismes. Certains n’en réalisent tout simplement pas, ou font semblant d’en effectuer dans d’autre sociétés qui leurs renvoient l’ascenseur, en satisfaisant au passage les obligations en matière de formation de leurs salariés.
L’ICE a publié des normes uniformes de pratique professionnelle en matière d’évaluation au Canada (NUPPEC), qui tendent à uniformiser les pratiques de leurs membres sur le territoire canadien, mais également à l’étranger. Notons que ces normes s’apparentent à la Charte de l’Expertise en Evaluation immobilière, avec dix années d’avance. La structure Canadienne étant déjà effective et efficace, la mise en œuvre de ces normes a été rapide, et l’adaptation aux changements est aisée.
Les clients possèdent une facilité de contestation des évaluations, qui donne davantage de crédibilité aux évaluateurs. La perception de la population et des sociétés y ayant recours en est améliorée, l’évaluateur est considéré comme un professionnel reconnu, à l’opposé de l’image qu’ont les citoyens de l’expert immobilier en France, entouré d’une grande opacité, lorsque les citoyens connaissent cette profession, ce qui est très rare.
Même si la pratique est différente au niveau sociétal puisque les évaluateurs Canadiens ont des contacts réguliers avec la population au vu de la systématisation des évaluations en cas de construction d’un logement ou d’un financement bancaire, il n’en demeure pas moins que la profession possède un rayonnement et une véritable reconnaissance au sein de la société Canadienne.
Evalvé interroge, au vu de la pertinence d’un système de ce type, qui fonctionne, et assure qu’il serait pertinent d’instaurer un tel système en France, pour réguler l’ensemble de la profession, faire baisser les honoraires pour les clients, et assurer la pérennité de la matière pour les professionnels, ainsi que donner un cadre juridique clair.
Besoin de contacter un expert immobilier pour évaluer vos biens immobiliers en France? Contactez un Expert Evalvé !
Evalvé tente de décomplexifier la pratique de l’évaluation et de rendre accessibles aux chefs d’entreprises, aux Directeurs administratifs et financiers et au grand public les informations relatives aux pratiques des experts immobiliers en France.
© Vous avez aimé et souhaitez reprendre des éléments de cet article? Citez Evalvé avec un lien vers cette page !
[1] Règlement sur l’exercice de la profession d’Évaluateur Agréé en société, Code des professions, chapitre C-26 (L.R.Q.). Ce code régit les ordres professionnels existant au Québec. Elle impose la constitution d’un ordre pour chaque profession, qui permet l’exercice de la profession visée, instaurant un ensemble de règles relatives à la bonne pratique d’un corps professionnel.
[2] Chapitre 104 de la Loi constituant la Corporation des évaluateurs agréés du Québec, sanctionnée le 13 Juin 1969. Source : Lois du Québec, passées dans la 18ème année du règne de sa Majesté La Reine Elisabeth II et dans la 4ème session de la 28ème législature, commencée et tenue à Québec le 25 février 1969.
[3] Source : Institut Canadien des Evaluateurs – www.aicanada.ca
Crédits photos: Pixabay – NASTER / Unsplash / bogitw / Unsplash